Chirurgie bariatrique
A l’occasion de la publication d’un rapport de la HAS sur la « Prise en charge préopératoire pour une chirurgie de l’obésité chez l’adulte » en 2015 [1], le Dr Hansel s’interroge sur la perception que les patients, et parfois les soignants, ont de l’obésité. « Il s’agit d’une maladie chronique, que l’on ne sait pas guérir », insiste le Dr Hansel. La chirurgie n’est qu’un aspect de sa prise en charge. Le rapport de la HAS montre notamment que le protocole de préparation préopératoire, prévu dans les recommandations de bonnes pratiques (HAS 2009) [2], est trop peu suivi. Par exemple, en 2015, seulement 6 patients sur 10 ont bénéficié des bilans prévus : bilan des comorbidités, bilan endoscopique et bilan psychiatrique. Et seules 4 interventions sur 10 ont été décidées dans le cadre d’une concertation entre plusieurs professionnels de santé, et fait l’objet d’une information au médecin traitant, comme les recommandations l’exigent. Ces chiffres sont bien sûr « intéressants ».
Mais le fond du problème est que « depuis le développement de la chirurgie bariatrique, il existe une fâcheuse tendance à penser que cette chirurgie, qu’il s’agisse du sleeve ou du bypass, guérit l’obésité. Or, toutes les études montrent que c’est faux ». D’une part, en effet, il y a des échecs qu’on ne sait pas quantifier, ni expliquer. « Probablement la moitié des patients opérés sont en échec à long terme sur le plan pondéral », estime le Dr Hansel. D’autre part, « même si des comorbidités comme le diabète ou l’HTA peuvent régresser de manière spectaculaire dans la période post-opératoire immédiate, ces pathologies rechutent à moyen terme, et encore plus à long terme ». Naturellement, les patients sont informés avant l’opération qu’un suivi à vie sera nécessaire. « La plupart des chirurgiens donnent cette information » reconnait le Dr Hansel. « L’objectif réel n’est toutefois pas l’information du patient, mais son éducation ». « Lorsqu’un patient consulte en chirurgie, c’est avec une demande assez simple : je veux en finir avec mon obésité ».
La discussion s’engage alors autour de questions comme la durée de l’intervention et la durée de la convalescence. Mais le problème de la prise en charge globale de son obésité n’est que rarement abordé. « Voilà pourquoi l’information sur la nécessité d’un suivi à vie, quand elle est formulée par le chirurgien, peut être entendue, mais pas reçue par le patient », résume le Dr Hansel. Voilà pourquoi, aussi, la préparation, dont le rapport de la HAS déplore l’insuffisance, est perçue comme « un parcours du combattant pour aboutir à la chirurgie, mais pas du tout comme une prise en charge médicale de l’obésité, prise en charge au demeurant indispensable, qu’il y ait ou non chirurgie bariatrique ». Les consultations chez le nutritioniste et le psychologue, qui sont obligatoires, sont vécues « comme des formalités, des sortes de « bons pour accord » à obtenir par le patient pour que le chirurgien puisse l’opérer ». Au-delà du non-respect fréquent du protocole officiel, « c’est la non reconnaissance de l’obésité comme maladie chronique, pour laquelle la chirurgie n’est qu’une étape », qui constitue le problème. « Une étape qui doit arriver au bon moment dans un projet de soins, ni trop tôt ni trop tard ». « Certains patients sont prêts dès le premier rendez-vous et il n’y a aucun sens à les faire attendre dans un programme d’éducation de 6 à 12 mois », précise encore le Dr Hansel. « D’autres au contraire, à qui l’on fait suivre le protocole HAS durant 6 à 12 mois, ne mettent pas en place les mesures nécessaires à la réussite du projet chirurgical, et ne sont absolument pas prêts ». « En pratique, tout patient obèse qui a un projet chirurgical doit d’abord consulter un médecin compétent dans le domaine de l’obésité, qu’il s’agisse d’un nutritioniste, d’un endocrinologue ou d’un généraliste qui s’intéresse à cette pathologie.
L’objectif est d’éduquer le patient, de lui faire comprendre que la chirurgie n’est pas une alternative aux efforts hygiéno-diététiques, mais une aide, pour que le patient ait moins de difficultés à suivre ces règles ». « Le patient qui comprend cela changera immédiatement, comme il le peut, son alimentation, dès la première consultation et avant l’intervention. Sans ce changement initial, s’il est remis à plus tard, il est peu probable que des améliorations du mode de vie surviennent en post-opératoire, alors que le patient maigrit naturellement et que sa faim diminue ». « C’est lorsque rien n’a été fait avant l’intervention que le risque de reprise de poids est maximum », poursuit le Dr Hansel. « Ce que vous n’êtes pas capable de mettre en place avant, vous ne le ferez pas après, durant une période de lune de miel où les mauvaises habitudes qui n’ont pas été écartées avant l’opération n’ont plus aucune raison de disparaitre ».
Conclusion : l’expression « prise en charge chirurgicale de l’obésité » devrait être bannie, et en premier lieu par la HAS, au profit de « prise en charge médico-chirurgicale de l’obésité ». Il ne s’agit pas seulement d’un changement de terme, mais d’un changement d’approche, qui devrait se vérifier certes dans une meilleure application du protocole de prise en charge de la HAS, mais surtout dans une meilleure formation des soignants concernant l’obésité.
SOURCE : Medscape -Dr Boris Hansel-| 27 octobre 2016