L’alimentation et la douleur
San Antonio, Etats-Unis — La mauvaise alimentation est régulièrement incriminée dans l’apparition des maladies cardiovasculaires, du cancer et d’autres maladies. Selon l’ American Academy of Pain Management (AAPM), elle jouerait également un rôle dans les processus douloureux. L’association a d’ailleurs annoncé la publication prochaine de nouvelles recommandations concernant l’hygiène alimentaire et la douleur [1]. Lors du congrès de l’American Academy of Pain Management (AAPM), désormais Academy of Integrative Pain Management (AIPM), le Dr Robert Bonakdar, responsable de la prise en charge de la douleur au Scripps Center for Integrative Medicine et professeur adjoint à l’Université de Californie (La Jolla, San Diego, Etats-Unis) a expliqué comment l’alimentation peut, selon lui, impacter la douleur [1]. « Le régime alimentaire peut jouer sur l’inflammation, changer le microbiome, moduler le système immunitaire, améliorer le fonctionnement des articulations, éliminer les stimuli de la douleur et limiter les carences », a indiqué le spécialiste de la douleur. « Le régime alimentaire peut jouer sur l’inflammation, changer le microbiome, moduler le système immunitaire […] » *Le rôle clé de l’inflammation Le Dr Bonakdar a rappelé que « près de 60 % de notre nourriture était fortement transformée (industriellement) et que le régime alimentaire occidental manquait de fruits frais, de légumes et de fibres ». Il a ajouté que ce type de régime pauvre était associé à des signes inflammatoires, et notamment à une augmentation de la protéine C réactive (CRP) [2]. Or, « plus la CRP est élevée, plus la douleur est intense et plus elle interfère avec les activités du quotidien. Une CRP élevée peut augmenter le risque de douleur lombaire, par exemple, avec un effet dose-réponse direct », a souligné l’intervenant [3]. Comment l’alimentation peut-elle agir sur l’inflammation ? Quelques pistes…Certains nutriments présents dans notre alimentation semblent agir sur l’inflammation et ce par des mécanismes très divers et pas toujours très bien connus [4-7].Les propriétés anti-inflammatoires des acides gras oméga 3, par exemple, seraient dues à leur transformation en médiateurs anti-inflammation (resolvines E1 et D1 et protectine) par les enzymes cyclooxygenase-2 et des lipooxygenase-5 et lipooxygenase-15 [8-13].Autre exemple, deux polyphénols (antioxydants naturels), la quercetine, un des flavonoïdes les plus consommé dans le régime alimentaire humain, et le resveratrol, présent dans les baies et la peau des raisins noirs atténueraient l’inflammation médiée par le TNFα [14]. Interrogé par Medscape édition française, le Dr Boris Hansel (endocrinologue-diabétologue et nutritionniste, MCU-PH Nutrition, Université Paris-Diderot, Hôpital Bichat Claude-Bernard, Paris, France) confirme qu’il existe bien des données suggérant une association entre certaines catégories d’aliments et l’inflammation. « Mais attention, on parle ici d’inflammation de bas grade, infraclinique, et pas de l’inflammation clinique que l’on rencontre en situation de douleur aiguë », précise-t-il. *Perturbations du microbiome Le régime alimentaire de type occidental, riche en sucres et en graisses, entraîne également des changements au niveau du microbiome, ce qui peut avoir un impact sur la digestion et des effets à long terme sur la diversité de la flore intestinale, a commenté l’orateur. Alors qu’un régime riche en fruits et en légumes semble augmenter la diversité du microbiote, à l’inverse la nourriture transformée l’appauvrit [15]. Si nous ne nourrissons pas nos cellules correctement, cela induit de l’inflammation et de la douleur–Dr Bonakdar Or, le manque de diversité du microbiote semble lié à plusieurs états de douleur, notamment à la douleur pelvienne chronique et au syndrome de l’intestin irritable . [16,17]. *Impact sur les mastocytes D’après l’intervenant, la nourriture hautement transformée peut également rendre les mastocytes hyper-excitables et inducteurs de douleurs [18]. Plusieurs troubles ont des mécanismes de nociception médiés par les mastocytes, notamment la migraine, la fibromyalgie et les douleurs neuropathiques [19,20]. « Si nous ne nourrissons pas nos cellules correctement ou que nous leur donnons des produits toxiques ou inflammatoires, cela induit de l’inflammation et de la douleur », a conclu l’expert. REFERENCES: 1.Bonakdar R. Food for Thought: Can Diet and Nutrition Approaches Influence Pain? American Academy of Pain Management (AAPM) 2016 Annual Meeting. 23 septembre 2016. 2.Park KH. 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